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Dans un environnement où la conformité est devenue un enjeu stratégique, maîtriser le cadre réglementaire des activités entre les acteurs de santé et les industriels est indispensable. Réunions professionnelles avec hospitalité, invitations congrès, locations de stand, partenariats, prestations de service… : chaque type d’interaction est soumis à des règles strictes. Quels sont les textes de référence ? Quelles obligations pour quels bénéficiaires ? Et surtout, comment sécuriser vos démarches ?

Un dispositif réglementaire à plusieurs niveaux

 

L’encadrement des avantages : une réglementation précise et évolutive

Le Code de la Santé publique (articles L.1453-3 et suivants) pose les conditions d’octroi d’avantages aux professionnels de santé ou associations les représentant. Ce dispositif est précisé par plusieurs arrêtés (7 août 2020, 24 septembre 2020, 2 février 2023), complétés par :

  • Des notes d’information officielles de la DGOS
  • Une FAQ et des fiches pratiques de la DGCCRF et de la DGOS (novembre 2021)
  • Des documents d’interprétation comme le Q&A Encadrement des avantages du LEEM (novembre 2020).

Ces textes définissent les conditions dans lesquelles une entreprise produisant ou commercialisant des produits de santé, qu’ils soient remboursés ou non par la sécurité sociale, peut octroyer un avantage direct ou indirect à un professionnel de santé ou à une association de professionnels de santé.

Par principe, tout avantage est interdit, sauf dans le cas de dérogations strictement encadrées, et pour lesquelles une convention doit être conclue et déposée auprès de l’autorité de contrôle compétente suivant le régime de déclaration ou d’autorisation dépendant des montants unitaires et totaux des avantages prévus.

 

Le dispositif Transparence : informer pour instaurer la confiance

Depuis la loi Bertrand du 29 décembre 2011 (article L.1453-1 du Code de la Santé publique), les liens d’intérêts entre les professionnels de santé et les industriels doivent être déclarés publiquement. Cette obligation de transparence est encadrée par :

  • Les articles R.1453-2 à R.1453-7 et D.1453-1 du CSP
  • Des arrêtés successifs (3 décembre 2013, 22 mars 2017, 20 janvier 2023)
  • Des notes ministérielles (ex. : DGS / PP2 / 2017 / 180)
  • Les FAQ du ministère (janvier 2022) et le Q&A Transparence des liens du LEEM (juillet 2017).

Le principe : tout lien d’intérêt avec les acteurs de santé doit faire l’objet d’une publication par les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé sur le site public Transparence Santé : conventions, rémunérations et avantages d’une valeur égale ou supérieure à 10€. Cette publication est à effectuer 2 fois par an.

 

Le dispositif anti-corruption : la loi Sapin II s’applique aussi à la santé

Depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016, les entreprises du médicament doivent mettre en œuvre des dispositifs de prévention de la corruption, incluant :

  • Un code de conduite
  • Un dispositif d’alerte interne
  • Une cartographie des risques
  • Des procédures d’évaluation des tiers

Des guides spécifiques ont été publiés par l’Agence française anticorruption (AFA) notamment sur le parrainage et le mécénat et par le LEEM.

 

Un cadre déontologique structuré pour garantir l’éthique

Outre le droit, un ensemble de règles déontologiques vient encadrer les pratiques :

  • Dispositions Déontologiques Professionnelles (DDP) du LEEM
  • Code de l’EFPIA (association européenne des industries pharmaceutiques)
  • Charte éthique et déontologie professionnelle du SNITEM
  • Code d’éthique MedTech Europe
  • Code de bonnes pratiques de la FIIM / IFPMA (la FIIM représente l’industrie pharmaceutique ainsi que des associations nationales au niveau mondial)
  • Codes de déontologie spécifiques à chaque profession : code de déontologie médicale, code de déontologie des pharmaciens, etc.

Et des instances, comme le Codeem (comité d’éthique et de déontologie des entreprises du médicament), veillent au respect des bonnes pratiques, notamment en matière de communication, d’événements et d’interactions terrain.

Interagir avec les professionnels : quels formats, quelles obligations ?

 

Les questions à se poser avant tout :

  • Quel est le projet souhaité et son objectif ?
  • Quels sont les bénéficiaires directs et indirects ?
  • Quels bénéfices en tire chacune des parties ?
  • Quels avantages prévus pour chacune des parties ?
  • En cas de prestation de service, quelle rémunération envisagée cohérente avec le service rendu ?
  • Quel est le cadre réglementaire en vigueur dans ce cas ?

 

Comprendre les différents types d’interactions

Selon la nature de l’interaction, les obligations réglementaires varient (et le contenu de la convention est à adapter en conséquence) :

  • Parrainage : soutien financier ou matériel apporté en échange d’un bénéfice (visibilité, mention de la marque…)
  • Partenariat : collaboration à valeur ajoutée mutuelle
  • Mécénat : soutien matériel ou financier sans contrepartie directe ou indirecte à une personne morale (en France ou dans l’UE) pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général
  • Don : soutien financier ou matériel ou sous forme de services sans contrepartie directe ou indirecte
  • Prestation de service : engagement d’une personne physique ou morale à fournir un service (intervention à une manifestation, consulting…)
  • Convention unique : applicable aux recherches cliniques à finalité commerciale réalisées dans des établissements de santé.
Attention : toute forme d’avantage, même indirect, est soumise à encadrement juridique.

Qui sont les bénéficiaires concernés ?

 

Les obligations varient selon le type de bénéficiaire. Voici quelques repères :

Types de bénéficiaire Encadrement des avantages Transparence des liens
Association de professionnels de santé

Attention, il n’y a pas de définition juridique. Une association peut être considérée comme « de professionnels de santé » dès lors qu’elle comprend un ou des professionnels de santé et/ou que ses actions sont principalement à destination de professionnels de santé.

v

 

Autorité concernée : ARS via EPS

v
Association de patients

Attention, il n’y a pas de définition juridique. Une association est considérée comme « de patients » si elle est composée uniquement de patients et/ou que ses actions ne sont pas majoritairement à destination de professionnels de santé.

v v
Fondation v v
Fonds de dotation v v
Etablissement de santé (public ou privé) v v
Prestataire intermédiaire mandaté par une ou plusieurs association    
Société sans intermédiaire et sans bénéficiaire indirect

Exemple :

­        Société non détenue par un ou plusieurs PS

­        Société faisant appel, pour réaliser la prestation, à un ou plusieurs PS salarié de la société sans rémunération supplémentaire ni hospitalité spécifique

v v
Société avec bénéficiaire indirect

Exemple :

­        Société détenue par un ou plusieurs PS

­        Société faisant appel, pour réaliser la prestation, à au moins un salarié de la société avec rémunération supplémentaire et/ou hospitalité spécifique du fait de la mission

­        Société faisant appel, pour réaliser la prestation, à au moins un PS sollicité pour cette mission (qui n’aurait pas collaboré sans l’intervention du Laboratoire).

v

Autorité concernée : selon la fonction du PS (CNOM si médecin via IDAHE, ARS si opticien via EPS…)

v
Professionnel de santé v

Autorité concernée : selon la fonction du PS (CNOM si médecin via IDAHE, ARS si opticien via EPS…)

v
Influenceur (non PS) v v

 

Cas particuliers :

  • Les dons & mécénats doivent être déclarés à l’ARS selon l’article R.5124-66 du CSP.
  • Après signature, les conventions uniques doivent être transmises au CNOM pour information conformément à l’article R.1121-3-1 du CSP.

 

Ce qu’il faut retenir : 

Interagir avec un professionnel de santé ou sa structure ne s’improvise pas. Chaque format (parrainage, don, partenariat, contrat orateur, consulting…) est régi par un cadre réglementaire et éthique strict, destiné à garantir indépendance, absence de conflit d’intérêts et transparence.

En tant qu’acteur de la santé, vous devez documenter, tracer, déclarer et sécuriser chaque interaction, en vous appuyant sur les textes en vigueur et les recommandations sectorielles.

Glossaire

ARS : Agence Régionale de Santé

CSP : Code de la Santé Publique

EPS : plateforme de télétransmission « Ethique des Professionnels de Santé »

PS : Professionnel de Santé

hospitalis